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Histoire,Culture ,poésie

posté le 23-08-2010 à 19:03:38

Première rencontre du Christ avec le tombeau

En ce temps-là, Jésus était dans la Judée;
Il avait délivré la femme possédée,
Rendu l'ouïe aux sourds et guéri les lépreux;
Les prêtres l'épiaient et parlaient bas entre eux.
Comme il s'en retournait vers la ville bénie,
Lazare, homme de bien, mourut à Béthanie.
Marthe et Marie étaient ses sœurs; Marie , un jour,
Pour laver les pieds nus du maître plein d'amour,
Avait été chercher son parfum le plus rare.
Or, Jésus aimait Marthe et Marie et Lazare.
Quelqu'un lui dit:  Lazare est mort.

                                                                 Le lendemain,
Comme le peuple était venu sur son chemin,
Il expliquait la loi, les livres, les symboles,
Et, comme Élie  et Job, parlait, par paraboles,
Il disait:-- Qui me suit, aux anges est pareil.
Quand un homme a marché tout le jour au soleil
Dans un chemin sans puits et sans hôtellerie,
S'il ne croit pas, quand vient le soir, il pleure, il crie;
Il est las:sur la terre il tombe haletant.
S'il croit en moi, qu'il prie, il peut au même instant
Continuer sa route avec des forces triples.--

Puis il s'interrompit, et dit à ses disciples:
-- Lazare, notre ami, dort; je vais l'éveiller.--
Eux dirent:-- Nous irons, maître, où tu veux aller.--
Or, de Jérusalem, où Salomon mit l'arche,
Pour gagner Béthanie, il faut trois jours de marche.
Jésus partit.Durant cette route souvent,
Tandis qu'il marchait seul et pensif en avant,
Son vêtement parut blanc comme la lumière.

Quand Jésus arriva, Marthe vint la première,
Et tombant à ses pieds, s'écria tout d'abord:
-- Si nous t'avions eu, maître, il ne serait pas mort.
Puis reprit en pleurant:-- Mais il a rendu l'âme
Tu vient trop tard. Jésus lui dit:-- Qu'en sais-tu femme?
Le moissonneur est seul maître de sa moisson.

Marie était restée assise à la maison.

Marthe lui cria:-- Viens, le maître te réclame.
Elle vint. Jésus dit:-- Pourquoi pleures-tu, femme?
Et Marie à genoux lui dit:-- Toi seul es fort.
Si nous t'avions eu, maître, il ne serait pas mort.
Jésus reprit:-- Je suis la lumière et la vie.
Heureux celui qui voit ma trace et l'a suivie!
Qui croit en moi vivra, fût-il mort et gisant.--
Et Thomas, appelé Didyme, était présent.
Et le Seigneur, dont Jean et Pierre suivaient l'ombre,
Dit aux juifs accourus pour le voir en grand nombre:
-- Où donc l'avez-vous mis ?-- Ils répondirent: Vois,
Lui montrant de la main, dans un champ, près d'un bois,
A côté d'un torrent qui dans les pierres coule,
Un sépulcre.

                  Et Jésus pleura.

                                        Sur quoi la foule

Se mit à s'écrier:-- Voyez comme il l'aimait!
Lui qui chasse, dit-on, Satan et le soumet,
Eût, s'il était Dieu, comme on nous le rapporte
Laissé mourir quelqu'un qu'il aimait de la sorte?
Or, Marthe conduisit au sépulcre Jésus.
Il vint. On avait mis une pierre dessus.
-- Je crois en vous, dit Marthe, ainsi que Jean et Pierre;
Mais voilà quatre jours qu'il est sous cette pierre.

Et Jésus dit:-- Tais-toi, femme, car c'est le lieu
Où tu vas, si tu crois, voir la gloire de Dieu.--
Puis il reprit :-- Il faut que cette pierre tombe 
La pierre ôtée, on vit le dedans de la tombe.

Jésus leva les yeux au ciel et marcha seul
Vers cette ombre où le mort gisait dans son linceul,
Pareil au sac d'argent qu'enfouit un avare.
Et, se penchant, il dit à haute voix: Lazare!

Alors le mort sortit du sépulcre; ses pieds
Des bandes du linceul étaient encor liés;
Il se dressa debout le long de la muraille;
Jésus dit:-- Déliez cet homme, et qu'il s'en aille.--
Ceux qui virent cela crurent en Jésus-Christ.

Or, les prêtes, selon qu'au livre il est écrit,
S'assemblèrent,troublés, chez le prêteur de Rome;
Sachant que Christ avait ressuscité cet homme
Et que tous avaient vu le sépulcre s'ouvrir,
Il dirent:-- Il temps de le faire mourir.

Victor Hugo
 


 
 
posté le 23-08-2010 à 18:45:42

Si j'étais Président

Il était une fois à l'entrée des artistes
Un petit garçon blond au regard un peu triste
Il attendait de moi une phrase magique
Je lui dis simplement : Si j'étais Président
Si j'étais Président de la République
Jamais plus un enfant n'aurait de pensée triste
Je nommerais bien sur Mickey premier ministre
De mon gouvernement, si j'étais président
Simplet à la culture me semble une évidence
Tintin à la police et Picsou aux finances
Zorro à la justice et Minnie à la danse
Est c'que tu serais content si j'étais président ?
Tarzan serait ministre de l'écologie
Bécassine au commerce, Maya à l'industrie,
Je déclarerais publiques toutes les patisseries
Opposition néant, si j'étais Président

Si j'étais Président de la République
J'écrirais mes discours en vers et en musique
Et les jours de conseil on irait en pique-nique
On f'rait des trucs marrants si j'étais Président
Je recevrais la nuit le corps diplomatique
Dans une super disco à l'ambiance atomique
On se ferait la guerre à grands coups de rythmique
Rien ne serait comme avant, si j'étais président
Au bord des fontaines coulerait de l'orangeade
Coluche notre ministre de la rigolade
Imposerait des manèges sur toutes les esplanades
On s'éclaterait vraiment, si j'étais président !

{Chœur enfants :}
Si t'étais Président de la République
Pour nous, tes p'tits copains, ça s'rait super pratique
On pourrait rigoler et chahuter sans risques
On serait bien contents si t'étais Président

Je s'rais jamais Président de la République
Vous les petits malins vous êtes bien sympathiques
Mais ne comptez pas sur moi pour faire de la politique
Pas besoin d'être Président, pour aimer les enfants.

la la la la la ..........

 


 
 
posté le 19-08-2010 à 16:51:26

Booz endormi

Booz s'était couché accablé;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire,
Puis avait son lit à sa place ordinaire;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé,

Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge,
Il était, quoique riche, à la justice enclin;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin,
Il n'avait pas d'enfer dans l'eau de sa forge.

Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse:
-Laissez tomber expès des épis, disait-il.

Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques
Vêtu de probité candide et de lin blanc;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques,

Booz était bon maître et fidèle parent;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand,

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeant;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'œil du vieillard on voit de la lumière.

 
                                  *

Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens;
Près des meules, qu'on eût prises pour de décombres
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres
Et ceci se passait dans des temps très anciens.

Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géant qu'il voyait,
Était encor mouillée et molle du déluge.

Comme  dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée;
Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sortit de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu;
Une race y montait comme une longue chaîne;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.

Et Booz murmurait avec la voix de l'âme:
"Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.

"Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
O Seigneur! a quitté ma couche pour la vôtre;
Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.

"Une race naîtrait de moi! Comment le croire?
Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants,
Le jour sort de la nuit comme d'une victoire;

"Mais, vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau.
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu! mon âme vers la tombe
Comme un bœuf ayant soif penche son front vers l'eau."

Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.


                               *

Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,
S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.

Booz ne savait pas point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle,
Un frais parfum sortait des touffes d' asphodèle;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La respiration de Booz qui dormait,
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant les lys sur leur sommet.

Ruth songeait et Booz dormait; l'herbe était noire;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement;
Une immense bonté tombait du firmament;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,


Immobile, ouvrant l'œil  à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.


Victor Hugo

 


Commentaires

 

1. claudesegardsangatte  le 19-08-2010 à 17:23:09  (site)

Bonjour,
Même si j'adore les citations allemandes et hollandaises que je traduis sur mon blog, j'aime également certains auteurs français comme par exemple Victor Hugo dont j'ai posté quelques citations marquantes aujourd'hui.
Bien amicalement, Claude SEGARD de SANGATTE.

 
 
 
posté le 18-08-2010 à 16:30:23

Lady Di

Elle est ravissante,naïve et enjouée. Elle n'a que vingt ans et épouse le parti le plus prisé d'Angleterre: le prince Charles. Nous sommes le 29 juillet 1981. Seize ans plus tard,les foudres du destin s'abattent sur elle. Devenue princesse des peuples,reine des médias et beauté divine.lady Diana laisse derrière elle deux petits princes dans la douleur:ses fils William (quinze ans) et Harry (douze ans ). 
En disparaissant le 31 août 1997 dans un accident de voiture dans le tunnel de l'Alma, lady Diana plonge le monde en plein désarroi. A qui la faute? entend-on ici et là. Le chauffeur ivre,surpris à plus de 193 km/h, les paparazzis qui la poursuivaient, les lecteurs qui en redemandaient? Seule certitude: le sort, brisant la vie de celle qui connaissait enfin le bonheur,avec comme seul héritage le droit d'être une légende. Belle, riche et généreuse,adulée et solitaire,Diana est une princesse moderne dans ce qu'elle a de plus complexe et de plus tragique.
En 1981,la royauté accueille avec faste la jeune Diana Spencer. très vite, Diana ne trouve pas en Charles l'amoureux qu'elle croyait avoir épousé.Il continue d'entretenir, en secret, une liaison avec sa compagne de toujours: Camilla Parker Bowles.Le carcan de la royauté,l'austérité de la reine mère sont un supplice pour cette jeune fille fragile.Dépressive, boulimique,mal aimée,Diana est prise au piège mais ne laisse rien paraître. Le monde entier croit encore au conte de fées. 
Avec la naissance de ses deux fils,lady Di s'affirme et entend s'occuper personnellement de l'éducation de ses enfants.Dès lors elle ne va cesser de bousculer le protocole:elle danse dans des night-clubs,fréquente des pop stars: Mickael Jackson, Paul McCartney, Elton John... Le couple princier se déchire,les médias se délectent.L'épouse docile et maladroite se transforme,comme par miracle, en femme fatale.
Elle est sur toutes les couvertures des magazines.En décembre 1992, Charles et Diana se séparent et divorcent en 1996.Diana,privée de son titre d'altesse royale, conserve celui de princesse de Galles.
Elle milite alors pour les plus démunis: les malades atteints du Sida,les enfants et surtout mène un virulent combat contre les mines antipersonnel. Sa douceur,son sourire,son dévouement en font une grande dame de la scène internationale.Elle est,dira Nelson Mandela, la meilleure ambassadrice d'Angleterre. En 1997, elle rencontre Doli Al Fayed, playboy égyptien,fils du milliardaire Mohamed Al Fayed. Ils défrayent la chronique. On parle de mariage.Le tempsne leur a ps laissé le choix.Ils meurent ensemble dans ce terrible accident de voiture.
C'est sous le drapeau de la famille royale que Diana rentre au pays. Des milliers de roses l'attendent, offertes par un peuple bouleversé, grave et silencieux.
 


Commentaires

 

1. lapinbleu2  le 18-08-2010 à 20:04:37  (site)

kikoo !!
trés jolis textes et poésies que tu nous proposes de partager..
bienvenue parmi nous chez vef et trés longue vie à ton blog..
belle soirée..

AnNiVeRsAiRe SuR tOn BlOg.... ****
Pour cela, laisse moi ta dàte d'anniversaire, celles de tes enfants, petits enfants, époux, épouse.. Et aussi ta date d'anniversaire de mariage en commentaire sur mon blog avec bien sùr ton adresse de blog.... Tout cela si tu le souhaites bien sùr..

Je m'occupe du reste.. Hi.. Hi.. Hi.. Tu le regretteras pas.. C'est vraiment marrant.. Et trés convivial..
Je compte sur toi pour faire passer le message si ça te derrange pas.. Et que tes contacts fassent la mème chose s'ils le peuvent....
Voici l'adresse de mon blog : http://lapinbleu2.vefblog.net

A diffuser parmi tes contacts, famille, amis et connaissances si tu peux, mème sils n'ont pas de blog.... Ils pourront au moins lire l'histoire du jour pour bien commencer la journée.... Merci !!!! ****

 
 
 
posté le 18-08-2010 à 16:01:17

Le cimetière d'Eylau

De Victor Hugo
A mes frères aînés, écoliers éblouis,
Ce qui suit fut conté par mon oncle Louis,
Qui me disait à moi de sa voix la plus tendre:
--Joue, enfant!--me jugeant trop petit pour comprendre.
J'écoutais cependant, et mon oncle disait:

--Une bataille, bah! savez-vous ce que c'est?
De la fumée. A l'aube on se lève, à la brune
On se couche; et je vais vous en raconter une.

Cette bataille-là se nomme Eylau; je crois
Que j'étais capitaine et que j'avais la croix;
Oui, j'étais capitaine.Après tout, à la guerre
Un homme, c'est de l'ombre, et ça ne compte guère,
Et ce n'est pas de moi qu'il s'agit.Donc, Eylau
C'est un pays en Prusse; un bois, des champs, de l'eau,
De la glace,et partout l'hiver et la bruine.

Le régiment campa près d'un mur en ruine;
On voyait des tombeaux autour d'un vieux clocher.
Benigssen ne savait qu'une chose, approcher
Et fuir; mais l'empereur dédaignait ce manège.
Et les plaines étaient toutes blanches de neige
Napoléon passa, sa lorgnette à la main.
Les grenadiers disaient: Ce sera pour demain.
Des vieillards, des enfants pieds nus, des femmes grosses
Se sauvaient; je songeais; je regardais les fosses.
Le soir on fit les feux, et le colonel vint;
Il dit?- Hugo?-Présent.-Combien d'hommes?-Cent vingt.
-- Bien.Prenez avec vous la compagnie entière,
Et faites-vous tuer.-- Où? Dans le cimetière.
Et je lui répondis:--C'est en effet l'endroit.
J'avais ma gourde,il but et je bus; un vent froid
Soufflait.Il dit:--La mort n'est pas loin.Capitaine,
J'aime la vie et vivre est la chose certaine,
Mais rien ne sait mourir comme les bons vivants.
Moi,je donne mon c?ur; mais ma peau,je la vends.
Gloire aux belles.Trinquons.Votre poste est le pire
Car notre colonel avait le mot pour rire.
Il reprit:--Enjambez le mur et le fossé,
Et restez là; ce point est un peu menacé,
Ce cimetière étant la clef de la bataille.
Gardez-le.--Bien.--Ayez quelques bottes de paille.
--On n'en a point.--Dormez par terre.--On dormira.
--Votre tambour est-il brave?-- Comme Barra.
--Bien.Qu'il batte la charge au hasard et dans l'ombre, 
Il faut avoir le bruit quand on n'a pas le nombre.
Et je dis au gamin:--Entends-tu, gamin?--Oui,
Mon capitaine, dit l'enfant,presque enfoui
Sous le givre et la neige, et riant.--La bataille,
Reprit le colonel,sera toute à mitraille;
Moi, j'aime l'arme blanche, et je blâme l'abus
Qu'on fait des lâchetés féroces de l'obus;
Le sabre est un vaillant, la bombe une traîtresse;
Mais laissons l'empereur faire,Adieu, le temps presse.
Restez ici demain sans broncher.Au revoir.
Vous ne vous en irez qu'à six heures du soir,--
Le colonel partit.--Je dis:--Par file à droite!
Et nous entrâmes tous dans une enceinte étroite;
De l'herbe, un mur autour, une église au milieu,
Et dans l'ombre, au-dessus des tombes,un bon Dieu.

Un cimetière sombre, avec de blanches lames.
Cela rappelle un peu la mer.Nous crénelâmes
Le mur, et je donnai le mot d'ordre,et je fis
Installer l'ambulance au pied du crucifix.
--Soupons,dis-je,et dormons.--La neige cachait l'herbe,
Nos capotes étaient en loques; c'est superbe,
Si l'on veut,mais c'est dur quand le temps est mauvais.
Je pris pour oreiller une fosse; j'avais
Les pieds transis,ayant des bottes sans semelle;
Et bientôt,capitaine et soldats pêle-mêle,
Nous ne bougeâmes plus,endormis sur les morts.
Cela dort, les soldats; cela n'a ni remords,
Ni crainte,ni pitié,n'étant pas responsable;
Et,glacé par la neige brûlé par le sable,
Cela dort; et d'ailleurs, se battre rend joyeux.
Je leur criai: Bonsoir! et je fermai les yeux.
A la guerre on n'a pas le temps des pantomimes.
Le ciel était maussade, il neigeait, nous dormîmes.
Nous avions ramassé des outils de labour,
Et nous avions fait un grand feu, Mon tambour
L'attisa,puis s'en vint près de moi faire un somme
C'était un grand soldat,fils, que ce petit homme.
Le crucifix resta debout, comme un gibet.
Bref le feu s'éteignit; et la neige tombait.
Combien fut-on de temps à dormir de la sorte?
Je veux,si je le sais,que le diable m'emporte!
Nous dormions bien.Dormir,c'est essayer la mort.
A la guerre c'est bon.J'eus froid,très froid d'abord,
Puis je rêvai; je vis en rêve des squelettes
Et des spectres, avec de grosses épaulettes;
Par degrés,lentement, sans quitter mon chevet,
J'eus la sensation que le jour se levait,
Mes paupières sentaient de la clarté dans l'ombre;
Tout à coup,à travers mon sommeil,un bruit sombre;
Me secoua, c'était au canon ressemblant;
Je m'éveillai; j'avais quelque chose de blanc
Sur les yeux; doucement,sans choc,sans violence,
La neige nous avait tous couverts en silence
D'un suaire,et j'y fis en me dressant un trou;
Un boulet,qui nous je ne sais trop par où,
M'éveilla tout à fait; je lui dis:Passe au large!
Et je criai:--Tambour,debout! et bats la charge!
Cent vingt têtes alors,ainsi qu'un archipel,
Sortirent de la neige; un sergent fit l'appel,
Et l'aube se montra,rouge joyeuse et lente;
On eût cru voir sourire une bouche sanglante.
Je me mis à penser à ma mère; le vent
Semblait me parler bas; à la guerre souvent
Dans le lever du jour c'est la mort qui se lève.
Je songeais.Tout d'abord nous eûmes une trêve;
Les deux coups de canon n'étaient rien qu'un signal,
La musique parfois s'envole avant le bal
Et fait danser en l'air une ou deux notes vaines.
La nuit avait figé notre sang dans nos veines,
Mais sentir le combat venir nous réchauffait.
L'armée allait sur nous s'appuyer en effet;
Nous étions les gardiens du centre, et la poignée
D'hommes, sur qui la bombe,ainsi qu'une cognée,
Va s'acharner; et j'eusse aimé mieux être ailleurs.
Je mis mes gens le long du mur; en tirailleurs.
Et chacun se berçait de la chance peu sûre
D'un bon grade à travers une bonne blessure;
A la guerre on se fait tuer pour réussir.
Mon lieutenant,garçon qui sortait de Saint-Cyr,
Me cria:--Le matin est une aimable chose;
Quel rayon se soleil charmant! La neige est rose.
Capitaine, tout brille et rit! Quel frais azur!
Comme ce paysage est blanc,paisible et pur!
--Cela va devenir terrible,répondis-je.
Et je songeais au Rhin,aux Alpes,à l'Adige,
A tous fiers combats sinistres d'autrefois.

Brusquement la bataille éclata.Six cents voix
Énormes, se jetant la flamme à pleines bouches,
S'insultèrent du haut des collines farouches,
Toute la plaine fut un abîme fumant,
Et mon tambour battait la charge éperdument.
Aux canons se mêlait une fanfare altière,
Et les bombes pleuvaient sur notre cimetière,
Comme si l'on cherchait à tuer les tombeaux;
On voyait du clocher s'envoler les corbeaux;
Je me souviens qu'un coup d'obus troua la terre,
Et le mort apparut stupéfait dans sa bière,
Comme si le tapage humain le réveillait,
Puis un brouillard cacha le soleil.Le boulet
Et la bombe faisait un bruit épouvantable.
Berthier, prince d'empire et vice-connétable,
Chargea sur notre droite un corps hanovrien
Avec trente escadrons, et l'on ne vit plus rien
Qu'une brume sans fond, de bombes étoilée;
Tant la bataille et toute la mêlée
Avaient dans le brouillard tragique disparu.
Un nuage tombé par terre, horrible, accru
Par des vomissements immenses de fumées,
Enfants, c'est là-dessous qu'étaient les deux armées,
La neige en cette nuit flottait comme un duvet,
Et l'on s'exterminait,ma foi, comme on pouvait.
On faisait de son mieux.Pensif,dans les décombres,
Je voyais mes soldats rôder comme des ombres,
Spectres, le long du mur rangés en espalier;
Et ce champ me faisait un effet singulier;
Des cadavres dessous et dessus des fantômes.
Quelques hameaux flambaient; au loin brûlaient des chaumes,
Puis la brume où du Harz on entendait le cor
Trouva moyen de croître et d'épaissir encor,
Et nous ne vîmes plus que notre cimetière;
A midi nous avions notre mur pour frontière.
Comme par une main noire, dans de la nuit,
Nous nous sentîmes prendre,et tout s'évanouit
Notre église semblait un rocher dans l'écume.
La mitraille voyait fort clair dans cette brume,
Nous tenait compagnie,écrasait le chevet
De l'église, et la croix de pierre, et nous prouvait
Que nous n'étions pas seuls dans cette plaine obscure.
Nous avions faim,mais pas de soupe; on se procure
Avec peine à manger dans un tel lieu.Voilà
Que la grêle de feu tout à coup redoubla.
La mitraille, c'est fort gênant; c'est de la pluie;
Seulement ce qui tombe et ce qui vous ennuie,
Ce sont des grains de flamme et non des gouttes d'eau.
Des gens à qui l'on met sur les yeux un bandeau,
C'était nous.Tout croulait sous les obus,le cloître,
L'église et le clocher,et je voyais décroître
Les ombres que j'avais autour de moi debout;
Une de temps en temps tombait.-- On meurt   beaucoup,
Dit un sergent pensif comme un loup dans un piège;
Puis il reprit montrant les fosses sous la neige:
--Pourquoi nous donne-t-on ce champ déjà meublé?--
Nous luttions nous. C'est le sort des hommes et du blé
D'être fauchés sans voir la faulx. Un petit nombre
De fantômes rôdaient encor dans la pénombre;
Mon gamin de tambour continuait son bruit;
Nous tirions par-dessus le mur presque détruit.
Mes enfants,vous avez un jardin; la mitraille.
Était sur nous nous, gardiens de cette âpre muraille
Comme vous sur les fleurs avec votre arrosoir.
Vous ne vous en irez qu'à six heures du soir.
Je songerais, méditant tout bas cette consigne.
Des jets d'éclair mêlés à des plumes de cygne,
Des flammèches rayant dans l'ombre les flocons,
C'est tout ce que nos yeux pouvaient voir.--Attaquons
Me dit le sergent--Qui? dis-je, on ne voit personne.
--Mais on entend.Les voix parlent.Le clairon sonne,
Partons,sortons;la mort crache sur nous ici;
Nous sommes sous la bombe et l'obus.--Restons-y.
J'ajoutai:--C'est sur nous que tombe la bataille.
Nous sommes le pivot de l'action.--Je bâille,
Dit le sergent.--Le ciel, les champs, tout était noir;
Mais quoiqu'en pleine nuit, nous étions loin du soir,
Et je me répétais tout bas: Jusqu'à six heures.
--Morbleu! nous aurons peu d'occasions meilleures
Pour avancer! me dit mon lieutenant.Sur quoi,
Un boulet l'emporta.Je n'avais guère foi
Au succès; la victoire au fond n'est qu'une garce.
Une blême lueur, dans le brouillard éparse,
Éclairait vaguement le cimetière.Au loin
Rien de distinct, sinon que l'on avait besoin
De nous pour recevoir sur nos têtes les bombes;
L'empereur nous avait mis là, parmi ces tombes;
Mais seuls, criblés d'obus et rendant coups pour coups,
Nous ne devinions pas ce qu'il faisait de nous.
Nous étions, au milieu de ce combat, la cible,
Tenir bon et durer le plus longtemps possible,
Tâcher de n'être morts qu'à six heures du soir,
En attendant,tuer,c'était notre devoir.
Nous tirions au hasard,noirs de poudre,farouches,
Ne prenant que le temps de mordre les cartouches,
Nos soldats combattaient et tombaient sans parler,
--Sergent, dis-je, voit-on l'ennemi reculer?
Non.--Que voyez-vous?--Rien.--Ni moi.--C'est le déluge,
Mais en feu.--Voyez-vous nos gens?--Non.Si j'en juge
Par le nombre de coups qu'à présent nous tirons,
Nous sommes bien quarante.--Un grognard à chevrons,
Qui tiraillait pas loin de moi,dit:--On est trente.
Tout était neige et nuit; la bise pénétrante
Soufflait,et,grelottante,nous regardions pleuvoir
Un gouffre de pointe blancs dans un abîme noir.
La bataille pourtant semblait devenir pire..
C'est qu'un royaume était mangé par un empire!
On devinait derrière un voile un choc affreux;
On eût dit des lions se dévorant entre eux;
C'était comme un combat des géants de la fable;
On entendait le bruit des décharges, semblable
A des écroulements énormes; les faubourgs
De la ville d'Eylau prenait feu; les tambours
Redoublaient leur musique horrible, et sous la nue
Six cents canons faisaient la basse continue;
On se massacrait; rien ne semblait décidé;
La France jouait là son plus grand coup de dé;
Le bon Dieu de là-haut était-il pour ou contre?
Quelle ombre! et je tirais de temps en temps ma montre.
Par intervalle un cri troublait ce champ muet,
Et l'on voyait un corps qui remuait.
Nous étions fusillés l'un après l'autre, un râle
Immense remplissait cette ombre sépulcrale.
Les rois ont les soldats comme vous vos jouets.
Je levais mon épée et je la secouais
Au-dessus de ma tête, et je criais:Courage!
J'étais sourd et j'étais ivre, tant avec rage
Les coups de foudre étaient par d'autre coups suivis;
Soudain mon bras pendit,mon bras droit,et je vis
Mon épée à mes pieds, qui m'était échappée;
J'avais un bras cassé; je ramassai l'épée
Avec l'autre,et la pris dans ma main gauche:--Amis!
Se faire ainsi casser le bras gauche est permis!
Criai-je,et je me mis à rire,chose utile,
Car le soldat n'est point content qu'on le mutile,
Et voir le chef un peu blessé ne déplait point
Mais quelle heure était-il?Je n'avais plus qu'un poing
Et j'en avais besoin pour lever mon épée;
Mon autre main battait mon flanc, de sang trempée,
Et je ne pouvais plus tirer ma montre.Enfin
Mon tambour s'arrêta: Drôle, as-tu peur? -- J'ai faim,
Me répondit l'enfant.En ce moment la plaine
Eut comme une secousse et fut brusquement pleine
D'un cri qui jusqu'au ciel sinistre s'éleva.
Je me sentais faiblir; tout un homme s'en va
Par une plaie; un bras cassé, cela ruisselle;
Causer avec quelqu'un soutient quand on chancelle;
Mon sergent me parla; je dis au hasard:Oui,
Car je ne voulais pas tomber évanoui.
Soudain le feu cessa, la nuit sembla moins noire.
Et l'on criait:Victoire! et je criai:Victoire!
J'aperçus des clartés qui s'approchaient de nous.
Sanglant sur une main et sur les deux genoux
Je me traînai: je dis--Voyons où nous en sommes,
J'ajoutai:--Debout,tous!Et je comptai mes hommes.
--Présent! dit le sergent.--Présent! dit le gamin.
Je vis mon colonel venir, l'épée en main.
--Par qui donc la victoire a-t-elle été gagnée?
--Par vous,dit-il.La neige étant de sang baignée,
Il reprit:--C'est bien vous Hugo? c'est votre voix?
--Oui.--Combien de vivants êtes-vous ici?-- Trois.


 
 


Commentaires

 

1. R0CK_AND_LOVE  le 18-08-2010 à 19:10:42

J'aime Victor Hugo (:
Même si le Rock et ma passion , tout le soir je lis un des ses poèmes avant de dormir ! (:
Bonne soirée !

 
 
 
 

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